Les costumes dans les concerts et les vidéos de QUEEN [3/3]
Les costumes dans les concerts et les vidéos de QUEEN [3/3]
Par Sébastien Martignac
Après le triomphe du Magic Tour, la séropositivité de Freddie et son projet solo Barcelona imposent inconsciemment une sobriété vestimentaire.
En 1987, Freddie Mercury est diagnostiqué séropositif. Indépendamment de son état de santé, le chanteur avait exprimé le souhait de lever le pied sur les tournées. La même année, il sort en solo une version du tube des Platters, The Great Pretender. Dans la vidéo, Freddie, qui a rasé son emblématique moustache, fait preuve d’élégance avec son costume de soie rose. L’outrance fait place à une certaine sobriété même si Freddie s’amuse à revisiter ses personnages iconiques des clips de Queen et à se travestir une fois de plus en femme, avec Roger et son ami l’acteur Peter Straker, pour faire les choristes de la chanson ! Comme très souvent chez Freddie, mesure et démesure agissent de concert.
Au printemps, Mercury commence l’enregistrement de l’album Barcelona avec la cantatrice espagnole Montserrat Caballé. En juillet, ils tournent le clip de la chanson éponyme dans lequel Freddie est resplendissant et très classe avec son costume bleu nuit, son nœud papillon et ses boutons de manchettes. Il ne porte plus la moustache, le smoking semble désormais son nouveau standard vestimentaire. Grâce à sa collaboration avec Montserrat Caballé, Freddie réalise un rêve et se produit deux fois avec la diva : la première, en mai 1987, au Ku Club d’Ibiza pour la première interprétation et retransmission en direct de Barcelona, et la deuxième, à la Nit Festival, en octobre 1988, lors d’un show en plein air, devant le roi et la reine d’Espagne. Freddie honore ces deux performances en portant un smoking noir très classe, avec un gilet bleu clair à Ibiza, pour rappeler la robe de Montserrat, avec une ceinture de smoking, à Barcelone. Ce fut la dernière apparition sur scène de Freddie.
Miracle inespéré
Après cette aventure solo, Queen entre de nouveau en studio pour travailler sur ce qui va être l’album The Miracle (1989). Avec le clip du premier single, I Want It All (n°1 en Angleterre), titre très rock, on découvre le groupe en pleine forme sur un plateau scénique aux puissantes lumières blanches qui rappellent l’ambiance des concerts. Ils n’ont jamais été aussi sobres dans leur clip (sauf peut-être dans Who Wants To Live Forever), tous en pantalon de costume noir et chemise blanche, sauf Roger en blouson en cuir pour symboliser l’esprit rock. Freddie, toujours sans sa moustache mais avec une barbe de trois jours, ose même la très chic cravate à poids. On trouve la même classe sur la photo officielle du groupe à l’intérieur de l’album où tous les quatre portent la veste de costume, et Brian et Roger, une cravate ! Après ces années d’excès et d’excentricités, Queen affiche désormais une certaine tempérance et semble s’être étrangement assagi. Le public ignore alors la séropositivité de Freddie et la terrible épée de Damoclès au-dessus du groupe.
Héroïquement hissés sur leur locomotive, The Miracle Express, qui défile à toute allure dans la campagne anglaise, Queen interprète Breakthru, avec un mélange de classe et de décontraction : chemises blanches et petit gilet, avec jeans et baskets. Brian garde sa cravate et Roger se démarque, comme souvent, avec sa casquette et une chemise jaune qui rappelle le Magic Tour. Les Ray-Bann bleues de Freddie font penser à Crazy Little Thing Called Love ou encore à Mr Bad Guy.
Les deux clips suivants, The Invisible Man et Scandal, montrent le groupe dans des tenues très sobres : pantalons et vestes noires à double boutonnière, et cols en cuir et t-shirt blanc pour Freddie, alors que John et Brian portent des accessoires très far west : chapeau et cravate en lacets en cuir de cow boy ! Pour Scandal, Queen sont habillés de la même manière, avec une note de rouge pour les t-shirts et accessoires (bandana pour John).
Ce que l’on retient du clip du dernier single, The Miracle, ce sont les quatre enfants qui interprètent à la perfection les membres de Queen, revisitant les différentes tenues de leurs doubles, à travers les époques. La fin de la vidéo verra débarquer les vrais Queen, dans leurs tenues du Magic Tour, Freddie portant un t-shirt à l’effigie de la Maryline de Warhol (actrice qu’il adorait et autre référence à la pop culture).
Innuendo : le chant du cygne
Le 14ème et dernier album studio de Queen, du vivant de Freddie Mercury, sort en février 1991, quelques mois avant sa disparition. Si le clip de la chanson-titre est une remarquable animation basée sur d’anciennes images du groupe, les autres vidéos montrent Freddie tel qu’il est, malgré la maladie qui le ronge
Folie douce et humour morbide
C’est justement pour ne pas trop montrer les ravages du sida que Mercury a l’idée d’apparaître grimé et maquillé pour la vidéo du deuxième single, I’m Going Slightly Mad. Il évoque à travers la chanson les troubles causés par son état de santé et l’approche inéluctable de la mort. Quasi méconnaissable, Freddie porte une grande perruque ébouriffée, tel un fou, fardé de blanc, avec de gros traits noirs autour des yeux. Une jonquille orne la pochette de la veste de son costume noir. Le col remonté de sa chemise blanche laisse découvrir un foulard noué autour de son cou. Ses gants blancs mettent en valeur sa gestuelle très précise et expressive, comme un mime ou un comédien. Son personnage, comme le clip, ne sont que le reflet intime de Mercury. Ils baignent dans une folie douce et excentrique qui cache en fait l’ombre sombre et funeste planant au-dessus de Freddie. Avec cet humour surréaliste, Brian apparaît déguisé en manchot, Roger avec une bouilloire sur la tête, John avec une coiffe de fou du roi et Freddie avec un régime de bananes sur la tête ! La vidéo met en scène avec dérision les angoisses de Freddie liés à sa propre mort.
Headlong : Queen, plus que jamais un groupe de rock !
Avec ce titre plein d’énergie, Queen revient aux fondamentaux. Freddie surfe sur les gros riffs de Brian avec aisance et désinvolture. La vidéo montre les quatre musiciens en studio, plus complices que jamais. Dans la cabine, les costumes, chemises, gilets et cravates en couleurs alternent avec les t-shirts et sweat-shirt jaune (of course !) pour Freddie, des séances plus live et décontractées, avec un Mercury au top de sa forme, qui semble dire à son public et à la maladie : « Regardez, j’ai toujours la forme, je ne vais pas me laisser abattre ! ». Le clip s’achève sur Freddie qui tire la langue, comme un pied de nez au sida.
These Are The Days Of Our Lives : ultime révérence et émouvants adieux
Durant l’été qui précède sa disparition, Freddie décide de tourner la vidéo qui sera sa dernière apparition filmée, véritable au revoir à ses fans, dans lequel il regarde la mort en face avec une troublante décontraction et lucidité. Dans la vidéo, tournée en noir et blanc, les tenues de chacun marquent une simplicité affichée : chemise blanche et jean noir pour John et Brian. Debout devant ses congas, Roger porte une chemise noire aux motifs ethniques, petite référence aux percussions qu’il joue, mais aussi aux origines de Mercury, alors que la fin approche… Dans un style élégant et décontracté où il mêle chemise, pantalon de survêtement noirs et baskets, Freddie se fait surtout remarquer par son gilet en soie sur lequel sont peints ses chats ! C’est avec cette simplicité, sans masques ni artifices que Mercury tire sa dernière révérence.
« Les costumes et tout ça, beaucoup de gens l’ont pris tellement au sérieux. Mais je m’en fichais. Je pensais : ‘’Mon Dieu, ils l’ont beaucoup trop surinterprété.’’» Freddie Mercury, 1987.
Freddie Mercury a su comme personne se mettre en scène, avec Queen ou en solo, de manière théâtrale et magistrale, osant les extravagances les plus délirantes jamais réalisées. Il laisse derrière lui de nombreux costumes et tenues restés dans la mémoire des gens et devenus aujourd’hui des références iconiques. Sans doute ce goût pour les costumes lui vient-il de ses cours d’art dramatiques à l’école de Penchgany près de Bombay, où il aimait se déguiser et porter le masque. On peut aussi facilement imaginer que Zanzibar et l’Inde où il a grandi, ont été une source d’inspiration pour le petit garçon qu’il était. C’est aussi la passion de Freddie pour le ballet et l’opéra qui s’exprime à travers les concerts et les vidéos de Queen où Mercury apparaît sous les traits d’un nouveau personnage, se voulant volontiers provocant, princier, macho ou cabotin. Qu’ils soient simples, décalés ou extravagants, ses costumes ne laissent pas le spectateur indifférent, et renforcés par une gestuelle théâtrale et dramatique, ils ont immortalisé Freddie en un unique et incontournable performer, devenu une éternelle et fascinante diva du rock.
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© Sébastien Martignac 2020
