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Les costumes dans les concerts et les vidéos de QUEEN [2/3]

Les costumes dans les concerts et les vidéos de QUEEN [2/3]​

Par Sébastien Martignac

Réputés pour leur extravagance, les costumes de Freddie Mercury traduisent une théâtralité hors normes et un sens unique du spectacle. Ils sont à la fois le miroir des époques que traverse Queen, mais aussi le reflet de la personnalité et de la sexualité de son chanteur charismatique.

L’échec commercial de Hot Space amène Queen à se recentrer sur leurs fondamentaux pour leur prochain album. Freddie reste encore convaincu que le groupe doit intégrer quelques sonorités contemporaines mais de manière plus légère que sur leur précédent opus.

C’est sur ce constat que Queen écrit The Works (1984), un album plus rock, aux accents pop, incluant notamment des synthés et des séquences (Radio Ga Ga, I Want To Break Free, Machines). Le groupe surfe ainsi sur la vague de l’électro-pop et de la new wave, très tendances à l’époque (Eurythmics, Depeche Mode, Franky Goes To Hollywood…). Aussi, on peut se demander si ce retour aux basics de Queen, agrémentés de « modernité », ne s’est pas traduit dans les tenues de Mercury pour leur tournée. En effet, Freddie porte de nouveau les collants et les justaucorps qui ont fait sa notoriété dans les années 70, mais cette fois-ci, ils sont blancs avec quelques éclairs noirs, en référence à Flash Gordon, ou bien rouges, avec des lanières noirs autours des cuisses, son torse velu souvent à l’air !

© Queen OfficialUMG, Believe Music, SOLAR Music Rights Management, CMRRA, UBEM, LatinAutor – SonyATV, LatinAutor, EMI Music Publishing

Radio for the masses

Si les tenues de Freddie sont moins provocantes et suggestives sur scène, Queen va donner le change dans les productions vidéo qui illustrent les singles de The Works. La première d’entre elles, Radio Ga Ga, écrite par Roger, met en scène le groupe dans des images en noir et blanc du film Metropolis (lire l’article Queen et le cinéma). Brian, John, Roger et Freddie sont habillés avec des pantalons en cuir noir et des « hauts » constitués de bandes de crêpe Velpeau rouge que l’on remarque dans la fameuse séquence colorisée du hand clapping, sur le refrain de la chanson. Dans leur véhicule volant, les quatre musiciens portent des vestes en cuir noir sans manches. Ils chaussent des bottes en cuir sur lesquelles Freddie ajuste pour lui, des protections noires de skateboarder ou peut-être de catch. Il glisse dans celle de sa jambe droite, de hautes plumes noires qui le distinguent de ses comparses. A noter que les quelques bandes Velpeau de Freddie laissent bien voir son torse, quand le chanteur n’est pas carrément torse nu à certains moments du clip !

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Comédie, parodie et travestis

Mais la vidéo qui fait le plus parler d’elle est celle de la chanson I Want To Break Free, écrite par John. Sur une idée de Roger, Queen y apparaît en femmes, dans une parodie mémorable de la célèbre série britannique Coronation Street. Perché sur ses talons hauts et moulé dans sa jupe en vinyle noir et dans un pull débardeur rose qui met évidence sa poitrine de femme à moustache, Freddie passe magistralement l’aspirateur comme une diva, en jurant qu’il veut se libérer ! La chanson est un énorme hit en Europe et devient un hymne de libération en Afrique du Sud. Le clip est censuré aux Etats-Unis qui ne supporte pas de voir des hommes, en l’occurrence des rockers, travestis en femmes ! Certains prétendent que la scène qui aurait le plus indigné les moralistes serait celle où Freddie apparaît en collant, avec les danseurs du Royal Ballet, pour interpréter la chorégraphie de L’Après-midi d’un faune, de Nijinski. C’est sûr, c’est beaucoup plus choquant qu’un Freddie torse nu, en pantalon en cuir, qui fixe la caméra, à la fin du clip, en répétant qu’il veut se libérer ! Ce dernier plan ne serait-il pas un message adressé à la communauté gay ?… Quoiqu’il en soit, Queen ne fera plus de tournées aux Etats-Unis.

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The Works At The Opera

Avec It’s A Hard Life, Freddie évoque le sujet de l’amour avec la difficulté des relations et celle d’aimer dans la durée. Cette ballade est l’occasion pour lui d’exprimer une fois de plus son extravagance, aussi bien par les costumes que par les décors volontairement exagérés. La vidéo se déroule dans une cour royale du XVIIIème siècle où l’on croise d’étranges personnages et créatures. Son costume ne peut qu’attirer le regard : sur un justaucorps rouge vif, de gros yeux en relief son cousus, de l’épaule jusqu’à l’entrejambe, sur les jambes et aux poignets. Le tissu ne couvre que la moitié du buste dans sa diagonale, laissant une épaule dénudée de laquelle partent des lanières rouges, rattachées au poignet de Freddie. De l’épaule habillée, se déploie un panachage de grandes plumes, dont de grandes plumes de paon et de faisan, transformant Freddie en un drôle d’oiseau ! Mais ce qui surprend le plus ce n’est pas qu’il soit pieds nus, c’est cette énorme perruque qui surmonte sa tête, tel un casque ou une crinière. Cette création de Diane Moseley était surnommée le « costume crevette » à cause de l’allure de crevette que lui donnait cette perruque combinée au justaucorps. Les autres membres ne sont pas sans reste mais dans un style plus modéré, très emprunté à l’opéra. Tous ont des collants mais se distinguent par leurs tenues. Roger porte très bien une belle veste noire d’Arlequin aux losanges dorés et à motifs, avec une énorme fraise blanche autour du cou. Ses poignets sont couverts par de grandes manches bouffantes. Une sorte de damier est tatouée sur sa tempe. De près, on remarque que ses baskets blanches ont des talons pour leur donner un genre plus ancien. Sans doute a-t-il négocié ce détail, ne voulant pas être pieds nus. John est très classe avec son costume argenté. Il se compose d’une culotte longue XVIIème, d’une veste à collerette brodée et d’un casque de licorne qu’il porte sous le bras. Brian, enfin, ressemble à un magicien dans sa chasuble noir et or qui lui confère un aspect plus respectable et mystérieux. Le clou de son costume est la guitare en forme de crâne, spécialement réalisée pour le clip. Digne d’une véritable production d’opéra, cette vidéo fantasque et pleine d’humour, renoue avec la créativité et la théâtralité du Queen des années 70.

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En solo, Mercury poursuit ses fantasmes d’opéra et de ballet

Une petite incursion s’impose dans la parenthèse solo de Freddie, concernant son album Mr Bad Guy (1985). On ne peut pas passer en revue les tendances vestimentaires de Queen et de Mercury sans évoquer le clip de Made In Heaven, sorti en juin 1985. Celui-ci s’inscrit dans la lignée de It’s A Hard Life et de I Want To Break Free, inspirés du ballet et de l’opéra. Pour son troisième single, Freddie fait construire une réplique de Covent Garden, l’Opéra de Londres, dans lequel il met en scène de nombreux figurants, à la manière d’une véritable production d’opéra, avec pour références les deux ballets Le Sacre du Printemps de Stravinsky et L’Enfer de Dante. Son costume est un mix de son collant rouge et noir de la tournée The Works (1984), des bandes Velpeau rouges du clip de Radio Ga Ga, sur une moitié de haut en vinyle noir. Freddie joue beaucoup avec sa grande cape rouge qui renforce la théâtralité de la vidéo.

© Freddie Mercury Solo, Freddie Mercury, CBS, UMG, CMRRA, SOLAR Music Rights Management, BMI – Broadcast Music Inc., EMI Music Publishing, LatinAutor – SonyATV, UBEM

Plus tard, la sulfureuse vidéo de Living on my Own est tournée lors de la soirée Black & White de son 39ème anniversaire, en septembre 1985, au Mrs. Henderson, le célèbre club de travestis munichois. Freddie a ressorti son justaucorps d’Arlequin blanc et noir et porte admirablement sa fameuse veste d’Empire, avec décorations et épaulettes (Mercury la ressortira le 5 novembre 1985, lors du Fashion Aid, un défilé caritatif auquel il participe, aux côtés de l’actrice Jane Seymour, en mariée).

© Freddie Mercury Solo, Freddie Mercury, CBS, UMG, CMRRA, SOLAR Music Rights Management, BMI – Broadcast Music Inc., EMI Music Publishing, LatinAutor – SonyATV, UBEM

Fashion Aid 1985 – Chaine YT : Queen Forever

Live Aid : Queen joue la simplicité pour conquérir le monde

Au début des années 80, les codes vestimentaires puisent dans le vestiaire gay. Ainsi, les tshirts moulants, les débardeurs, les jeans serrés et les baskets remplissent les armoires et les placards du monde entier, comme standards d’une époque qui entend se la jouer cool et décontracté. C’est ainsi que Freddie souhaite aborder son public, de manière simple, directe et frontale, tel qu’il est, finalement. Aussi, pour leur participation historique au concert caritatif de Bob Geldof, le 13 juillet 1985, dans un stade de Wembley prêt à craquer, Queen reste dans cette logique pour montrer que le groupe est définitivement bien inscrit dans son époque. L’enjeu de leur prestation est de taille car en plus du challenge de tenir le public du stade dans sa main, Queen doit séduire chaque personne derrière son poste de TV, dans les 150 pays dans lesquels l’événement est retransmis en direct ! Ce choix de simplicité se résume à une chemise blanche et un jean noir pour Brian et Roger, un jean bleu clair et une chemisette rose clair à motifs pour John. Freddie ne pouvait pas faire plus simple en enfilant un débardeur blanc, un jean délavé moulant et ses fameuses Gazelles Adidas pour sa performance historique.

« A New York, tout le monde porte des t-shirts et des débardeurs, alors Freddie en fait autant. » Peter Freestone

Deux accessoires renforcent son image de macho gay : sa ceinture et son bracelet, tous deux en cuir clouté, que l’on peut interpréter également comme des symboles de l’univers rock. Si Queen évolue aussi vers un son plus pop, le message de Mercury paraît clair : « Nous sommes toujours un groupe de rock ! », ou plutôt, « Nous somme le meilleur groupe de rock au monde et nous allons vous le montrer, mes chéris ! » Et ce jour-là, Queen le prouva aux 1,9 milliards de téléspectateurs.

 

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« C’était le public idéal pour Freddie : la planète entière ! » Bob Geldof

Le Magic Tour : le sacre de Queen

Pour leur tournée européenne des stades en 1986, la plus grande de leur carrière, Queen fait dans la démesure, comme toujours. Les quatre musiciens évoluent sur une immense scène et doivent être vus, de jour comme de nuit, avec les éclairages. Brian, John, Roger et Freddie portent tous des pantalons blancs, avec des bandes rouges et or pour Mercury, et noires pour Taylor. Leur style est plus sportswear, plus décontracté, reflet de leur époque mais aussi de l’esprit dans lequel se produit leur tournée-marathon. La tournée des stades transforme Queen en sportifs de haut niveau. Les concerts, qui dure deux heures, sont de véritables prouesses physiques. Freddie apparaît avec sa fameuse veste militaire cintrée jaune, déclinée en blanc ou encore en rouge et blanc, que l’on peut voir dans le live de Budapest. Pour être à l’aise, il chausse de nouveau ses Gazelles Adidas (chaussures de boxeur) et porte divers hauts : notamment celui en blanc, col en V, assez ample pour faciliter ses mouvements, mais aussi des débardeurs Champion jaunes ou blancs, ou son célèbre t-shirt coloré Betty Boop (référence à la pop culture). C’est à Wembley que Mercury porte avec humour un casque de bobbies sur le medley rock n’roll. Sur We Will Rock You, il surprend tout le monde en traversant l’immense scène en courant, avec une grande cape blanche qui vole au vent, lui donnant une flamboyance très théâtrale. Brian incarne aussi cette décontraction vestimentaire avec sa veste blanche légère et ses tshirts de la même couleur, aux rayures bleues ou jaunes, adoptées également par Roger. Celui qui se démarque le plus est John, en baskets, avec ses petits shorts et ses t-shirts imprimés des récentes unes de tabloïds sur Queen !

Avec leur ultime tournée, l’année 1986 est celle du couronnement de Queen, l’année du sacre du meilleur groupe de rock de tous les temps, après seulement 16 ans d’existence. Pour cette tournée européenne qu’il pressent comme une de leurs dernières, Freddie souhaite quelque chose de spectaculaire et de symbolique pour sa tenue de fin de concert. Il demande ainsi à Diane Moseley, la costumière de Queen, de lui confectionner la réplique identique de la couronne de la reine d’Angleterre et de sa majestueuse cape en hermine. C’est à l’hippodrome de Vincennes que le public découvre pour la première la somptueuse tenue de Freddie. Au stade de Wembley, sur la dernière note triomphale de We Are The Champions, soutenue par les applaudissements du public, Mercury s’avance sur le devant de la scène, coiffé de la couronne royale, tenant son micro-sceptre, sa longue traîne derrière lui. Le public redouble ses ovations, le succès du groupe est sans doute à son paroxysme. Freddie contemple son public tandis que le King of Queen rend hommage à ses sujets, brandissant sa couronne vers ses dizaines de milliers d’admirateurs, comme s’il leur dédiait ce symbole. « Cette couronne c’est aussi la vôtre », aurait-il pu dire, avant d’inviter John, Brian et Roger à le rejoindre, sur God Save The Queen.

Photos Queen, Magic Tour à Bruxelles © Viviane Zgajnar 1986

 

 

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« A 42 ans, je crois qu’il faut arrêter de courir partout en justaucorps. Ce n’est pas très convenable. » Freddie Mercury

[Fin de la deuxième partie]

Les costumes dans les concerts et les vidéos de QUEEN © Toute reproduction, partielle ou totale, de la présente publication est interdite sans autorisation de l‘auteur.

Remerciements à Viviane Zgajnar pour son aimable autorisation de publier ses photos du Magic Tour

© Sébastien Martignac 2020