Sous La Couronne 👑

Queen et le cinéma

Queen et le cinéma

Par Sébastien Martignac

Queen n’a pas attendu la sortie du triomphal biopic Bohemian Rhapsody en 2018 pour entretenir des relations avec le 7ème art. Tout au long de sa carrière, le groupe a multiplié les références, réalisé des bandes originales et des collaborations, parfois fructueuses, pour le plus grand plaisir des fans de musique et de cinéma.

« Nous sommes les Cecil B. DeMille* du rock’n roll, voulant toujours faire les choses en plus grand et en mieux. » Freddie Mercury

Peut-être avez-vous remarqué dans la séquence initiale du Live Aid, lorsque Rami Malek part de son domicile, un portrait de Marlène Dietrich (extrait du film Shanghaï Express, en 1932), au mur du domicile du chanteur et dont Freddie Mercury était un grand admirateur. La célèbre photo de l’actrice allemande servira d’ailleurs d’inspiration à la photo de couverture de l’album du groupe, Queen II, en 1973. Le photographe new-yorkais Mick Rock, ami de David Bowie, est à l’origine du célèbre cliché dont la pose inspirera notamment le groupe pour la partie opératique du clip Bohemian Rhapsody, en 1975.

© Paramount

Pochette album Queen II © Mick Rock

Etonnamment, les deux grands albums de Queen, A Night at the Opera (1975) et A Day at the Races (1976), sont des titres originaux des films des Marx Brothers (1935 et 1937) dont les membres du groupe sont devenus fans, après une projection organisée par leur producteur de l’époque, Roy Thomas Baker. Dans sa chanson The Millionaire Waltz (A Day at the Races), Freddie chante en prenant un accent allemand, à la manière de Marlène Dietrich. Ecoutez bien après le pont instrumental où Brian joue son solo comme un orchestre symphonique : « My fine friend – take me wiz you unt love me forever / My fine friend – forever – forever… »

Les références au cinéma se retrouvent également dans certaines paroles de chansons. Freddie Mercury n’hésitant pas dans Bicycle Race (Jazz, en 1978) à exprimer ses goûts : « Jaws was never my scene and I don’t like Star Wars » (Les Dents de la Mer ne sont pas mon genre et je n’aime pas la Guerre des Etoiles), sans doute un petit clin d’oeil à sa relation furtive avec Carrie Fisher, la princesse Leïa à l’écran. Toujours dans sa chanson, il poursuit : « I Don’t believe in Peter Pan, Frankestein or Superman… ». Ces provocations sur quelques-uns des plus grands succès populaires cinématographiques de l’époque ne l’empêcheront pas d’apparaître en concert, sur les épaules de Darth Vador et de Superman, ou encore, de porter le débardeur du super-héros !

Au début des années 80, Queen a déjà dix ans d’existence, sa réputation n’est plus à faire. Le groupe est devenu incontournable dans l’industrie musicale grâce à la richesse de ses productions, de ses clips et à ses performances scéniques marquées par un sens inégalé de la mise en scène (costumes, lumières, décors). Pour le monde du cinéma, avec sa musique en cinémascope, Queen est le groupe rêvé pour réaliser la bande-son idéale de films.

C’est pourquoi, en 1980, le réalisateur britannique Mike Hodges propose à Queen de composer la bande originale de son film de science-fiction, Flash Gordon, adaptation de la BD créée en 1934. Le compositeur anglais Howard Blake réalise les orchestrations additionnelles. Le groupe enregistre les morceaux et produit la B.O. qui paraît en décembre de la même année, au format d’un album de 16 titres dont 14 instrumentaux incluant des extraits des dialogues du film. Bannis par le groupe depuis leurs débuts, les synthétiseurs font leur apparition sur l’album The Game (1980) et débarquent en force sur la B.O. de Flash Gordon, sans doute légitimés par leur lien musical avec la thématique SF. Le résultat est assez surprenant, plutôt expérimental pour une formation de rock qui utilise gros riffs de guitares, nappes synthétiques et effets électroniques. On pourra noter les deux chansons, dont le titre éponyme Flash et The Hero qui ponctue l’album, et l’interprétation remarquable de la marche nuptiale (The Wedding March) par Brian, à la Red Special.

Affiches © 20th Century Fox / Universal – Album Flash Gordon © Cream / Neal Preston

Pour ses clips Under Pressure, Radio Ga Ga et Heaven for Everyone, Queen emprunte des images au cinéma muet.

Le jam improvisé entre Queen et David Bowie aux Mountains Studios de Montreux, qui a donné naissance à Under Pressure, n’était pas prévu. Difficile de trouver un compromis d’agenda entre le groupe et Bowie pour tourner un clip vidéo. Pourtant, les artistes souhaitent illustrer en images leur remarquable collaboration, une des plus mythiques des années 80 et de la musique actuelle. C’est le réalisateur britannique David Mallet, connu pour avoir travaillé avec de nombreuses stars du rock et notamment avec Queen et Freddie Mercury (I Want to Break Free, Hammer to Fall, I Was Born to Love You, Who Wants to Live Forever, The Great Pretender, Barcelona…), qui s’y colle. Les artistes ne pouvant tourner la vidéo, David Mallet compile alors des archives de foules, de destructions d’immeubles, mêlées à des extraits de classiques du cinéma muet, comme Nosferatu, Docteur Jekyll and Mister Hyde et Le Cuirassé Potemkine. Le résultat est assez sympathique et permet à Under Pressure d’être diffusée sur MTV (chaîne musicale américaine créée en août 1981) après la sortie du single, le 26 octobre. La chanson au riff de basse inoubliable deviendra un succès planétaire.

Single Under Pressure © Queen – Clip © David Mallet

En 1984, le célèbre film muet d’anticipation Metropolis, réalisé par l’allemand Fritz Lang en 1927, est rediffusé dans les salles de cinéma, avec une bande-son constituée de chansons d’artistes des années 70 et 80. Georgio Moroder, pape de la disco basé à Munich (I feel love, pour Donna Summer, B.O. de Midnight Express et de Scarface) a la charge de la direction musicale de ce projet. Il pense alors à Freddie Mercury et le sollicite pour une composition originale. Freddie accepte la proposition de Moroder, en échange de l’utilisation des images du film pour le clip de Radio Ga Ga, réalisé par David Mallet et sensé illustrer le retour en force de Queen, après le timide succès commercial de leur dernier album Hot Space (1982). Freddie écrit Love Kills, son premier single en solo sous le nom de Mercury et produit par Moroder. Comme convenu, Queen utilise les images de Metropolis pour Radio Ga Ga. La chanson comme le clip remportent un grand succès populaire, au point que durant les concerts, le public reprend le fameux hand clapping sur le refrain, comme dans le clip.

©  Universum Film (UFA)

Avec l’album Made in Heaven (1995), sorti après la disparition de Freddie, le groupe choisit comme premier single Heaven for Everyone pour la promotion de cet album très attendu. C’est encore David Mallet qui réalise le clip, en incrustant cette fois des images live de Freddie sur des extraits de films muets du Français Georges Méliès (Le Voyage dans la Lune, Le Voyage à travers l’impossible et L’Eclipse du soleil en pleine Lune).

 

Pochette Single Heaven For Everyone © Richard Gray – Clip © David Mallet – Georges Meliès / Star Films

Mais revenons au milieu des années 80. Freddie est de nouveau sollicité pour la B.O. du film américain Teachers (Ras les profs ! en Français), sorti en 1984, avec entre autres, Nick Nolte et Morgan Freeman à l’affiche. Freddie cèdera Fooling Around, tiré de son premier album solo à venir, Mr Bad Guy (1985).

Le Live Aid ayant propulsé Queen au rang de dieux du rock, le groupe bénéficie d’une notoriété sans précédent. Le réalisateur britannique Russell Mulcahy a besoin d’un partition rock efficace pour illustrer son prochain film, Highlander, une histoire d’immortels qui s’affrontent à travers les âges. Ne pouvant compter sur la disponibilité du groupe Marillion, alors en tournée, Mulcahy s’adresse alors à Queen pour écrire la chanson d’ouverture. Conquis par les vingt minutes de montage extraites du film, le groupe donne son accord pour réaliser toute la bande originale du long métrage.

Pour Highlander, Queen écrit et enregistre la B.O. en quatre semaines !

Très inspiré par l’histoire et les images, le groupe décide de réaliser un album à part entière : six chansons seront dédiées au film sur les neuf au total. On les trouvera donc dans Highlander et sur l’album, en versions plus longues. Trois d’entre elles vont très vite devenir des tubes (A Kind of Magic, Who Wants To Live Forever et Princes of the Universe). Ecrit et sorti quelques mois plus tôt, le single One Vision intègre et ouvre ce 12ème album studio de Queen.

Inspiré par une réplique, Roger écrit le titre A Kind of Magic qui donnera aussi son nom à l’album. Cette chanson est le générique de fin que Freddie remaniera, une fois Roger parti en vacances, pour en faire la version que l’on connaît sur l’album. Brian trouve la sublime mélodie de la ballade Who Wants To Live Forever, inspirée par la tragique situation du personnage de Christophe Lambert, Connor MacLeod, qui voit vieillir et mourir son amour alors que lui est immortel. Le morceau est enregistré avec le National Philharmonic Orchestra. Freddie compose le titre hard-rock, voire heavy metal, Princes of the Universe, exprimant la supériorité des immortels face aux mortels dans l’histoire. Il sera le générique du début d’Highlander. John, quant à lui, écrit le love theme du long métrage (scène du bar), un slow de soul poignant, chanté par Freddie, accompagné exceptionnellement et remarquablement par un solo de saxophone.

A noter que l’on retrouve dans le film et dans l’album les morceaux Gimme the Prize (Brian) et Don’t Lose Your Head (Roger).

Design ©  Richard Gray – Photos © David James

• Princes of the Universe : https://youtu.be/VEJ8lpCQbyw
• One Year of Love : https://youtu.be/Cgib8QoBKHE
• Gimme the Prize : https://youtu.be/vf4UhPuwoGE
• Don’t Lose Your Head : https://youtu.be/ecrheD1eYYU

Sorti le 2 juin 1986, l’album A Kind of Magic est un gros succès commercial, dû au succès du film mais aussi à la variété et à la richesse de l’album qui séduit un très large public. Il se classe à la première place des charts en Grande-Bretagne, avec plus de 600.000 exemplaires, et se vend à 750.000 copies en Allemagne, 500.000 aux Etats-Unis et 250.000 en France. Il sera la dernière B.O. de Queen, écrite pour le cinéma.

Pochette ©  Roger Chiasson / Richard Gray

Queen inspire le cinéma

En 1991, la réédition de Bohemian Rhapsody après la mort de Freddie permet au morceau et à Queen d’être très présents sur les ondes radio britanniques. Aussi, le film Wayne’s World, sorti en 1992, avec Mike Myers, réserve une scène culte dans une voiture avec les personnages principaux qui écoutent et chantent le tube à fond la caisse et secouant la tête en cadence sur la partie hard-rock.

A voir ou à revoir pour le délire ! https://youtu.be/thyJOnasHVE

D’autres films font la part belle à Queen, en intégrant les morceaux originaux ou en proposant des covers, interprétés par les acteurs eux-mêmes (liste non exhaustive) :
• Small Soldiers (1998) : Another One Bites The Dust, https://youtu.be/GzkUI7rNcrs
• Moulin Rouge ! (2001) : The Show Must Go On, https://youtu.be/82gQnM_ozk4
• A Knight Tale / Chevalier (2001) : We Will Rock You, https://youtu.be/0Hi8IWqic0U
• Shaun of the Dead (2004) : Don’t Stop Me Now, https://youtu.be/W4tVH7BPb-Q
• Happy Feet (2006) : Somebody To Love, https://youtu.be/gkkOnd1ZeCk
• High Fidelity (2010) : We Are The Champions, https://youtu.be/Zc6vIVwxEzU
• Iron Man 2 (2010) : Another One Bites The Dust, https://youtu.be/huiZFHZwI_o
• Happy Feet 2 (2011) : Under Pressure, https://youtu.be/DdIGIGv3HwY
• Comme des Bêtes (2016) : You’re My Best Friend, https://youtu.be/X-KPwNRED2o

On ne peut que se réjouir du succès du biopic Bohemian Rhapsody grâce auquel les jeunes générations ont découvert Queen et les moins jeunes ont redécouvert ce groupe hors normes. Espérons que les jeunes talents saurons puiser encore et encore dans l’immense richesse discographique du groupe pour illustrer leurs films. En attendant, cet article n’est peut-être pas réellement terminé car Queen pourrait donner de nouveau rendez-vous à ses fans dans les salles obscures. Il se murmure, en effet, une éventuelle suite à Bohemian Rhapsody…

* Cecil B. DeMille est un réalisateur de films, notamment de péplums (Les Dix Commandements, Samson et Dalila…)

Queen et le Cinéma © Sébastien Martignac 2020 – Toute reproduction, partielle ou totale, de la présente publication est interdite sans autorisation de lauteur.

Photos Stormtroopers © Andrew Martin par Pixabay