One Vision - De l'autre côté du comptoir

L’héritier

L'héritier

Article de Didier Limagne, publié le 15 mai 2020 sur le groupe Facebook : Queen France Fanclub

Il n’y a pas que Queen dans la vie. Et encore moins en salon. La preuve, je n’y ai jamais vu de travesti moustachu recherchant des disques en promenant son aspirateur traineau. On a bien eu quelques Robert Smith, sombres corbeaux à la chevelure noire dynamitée. Il y a encore peu, on voyait passer quelques Mylène, à la coupe en forme de poireau couleur plot de chantier. Mais de Freddie, point.

Et je vais vous dire : ça m’arrange, parce qu’à force de me foutre de la gueule des fans à travers mes anecdotes de disquaire, je vais finir par me faire mal voir. Si, si, je sais comment sont les gens. On se marre jusqu’au moment où le boomerang vous revient en pleine poire. C’est pour cela que cette fois, on va évoquer une population exclusivement française, belge à la rigueur, Luxembourgeoise à la marge. Et aussi un béninois qui, sous couvert d »anonymat, m’avoua un jour sa passion secrète.

Combien de Johnny dans nos conventions ? Des dizaines, des centaines, des petits, des grands, des gros, des maigres, des jeunes, des vieux et même des femmes… tous différents mais partageant ce même amour : Le bouc.

Vous aurez sans doute noté que nous ne sommes pas ici dans une rubrique animalière, on ne parle donc pas du mari de la chèvre, du papa du chevreau.

Johnny, celui-là même dont j’ai longtemps soupçonné l’homosexualité à cause d’un titre plus qu’équivoque : Mon p’tit loup ça va faire mal ce soir, d’ailleurs piqué à Bob Seger. En fait, il parait que non et que son album de 76, je crois, est bien intitulé Derrière l’amour et pas L’amour derrière comme le propageaient honteusement certaines mauvaises langues.

Bob Seger – Betty Lou’s Gettin’ Out Tonight (Live/Remastered) (C) Universal Music Group – Bob Seger

Bref, tout ceci nous éloigne d’une brillante démonstration sociologique sur l’atavisme familial, et sur le fait que si les hommes naissent égaux, pour certains, ça déconne plus vite que pour d’autres.

En ce samedi de salon du début des années 2000, Espace Champerret à Paris… oui je sais, j’ai repiqué ma phrase d’une autre anecdote mais ce n’est pas gênant. Oh, et puis ça va bien, vous avez vu le nombre de contes sadiques pour enfants qui commencent par il était une fois avant de dégénérer, inceste, abandon de mineurs, anthropophagie, Bon Jovi (1) et j’en passe !

Bin là c’est pareil, c’était pas la même fois. Donc, je m’affairais derrière mon stand lorsque soudain, sorti de nulle part, ce qui ressemble vaguement à un homme avec un bouc me dit : « Vous avez du Jauni ? » . Je réponds que non, désolé, laissant moi aussi le « bonjour » accroché au porte-manteaux. « Bin oui », me dit-il dépité, « parce que moi je cherche du Jauni » comme si le simple fait de le dire allait remplir mes bacs des albums du susnommé Johnny si on est disquaire (ou simplement normal), Jauni si on est fan.

C’est étonnant la tournure que prennent parfois certains événements pourtant anodins. Voyant que je ne possédais pas ce qu’il recherchait, on aurait pu imaginer une réaction du type : « Merci kiki, je vais voir ailleurs ». Pas du tout. Le paramètre Hallyday. Brisant le silence qui, de fait, s’était installé, il me dit: « T’as vu le T-shirt ? C’est Jauni« . Effectivement, on reconnaissait bien le bouc. Je pris un air admiratif devant tant de beauté . Ne se sentant plus de joie il se lâche : « et t’as vu, la ceinture ? C’est Jauni ». Et ouais, une boucle de ceinture ornée de la bobine de l’idole, ils ne savent vraiment plus quoi inventer. Évidemment, je surjoue l’émerveillement absolu devant ce chef d’œuvre de mauvais goût qui ne m’évoque rien d’autre, en vérité, qu’un suppositoire et sa destination finale. Sentant alors que j’étais sans doute prêt à me convertir il se tourna et me dit : « Et le blouson aussi, c’est … ». « Oui j’ai reconnu », coupais-je, effaré à l’idée que l’étape suivante était probablement son caleçon, d’une façon ou d’une autre… jauni.

Désespéré de le voir collé à mon stand comme un chewing-gum à une Stan Smith, je le vois tout d’un coup s’agiter, se retourner et se mettre à beugler en plein salon : « Jauni« .

Merde, soit ce type à besoin d’un médecin, soit il brame à la recherche d’une femelle, tel le cerf, majestueux roi des forêts, qui veut se taper la maman de Bambi, avant de l’abandonner en cloque. « Jauni » hurle-t’il à nouveau et là, je vois arriver un gamin de 4, 5 ans : « oui papa ».

Oups !

t’as vu ?

c’est Jauni..

(1) Il existe désormais des traitements contre Bon Jovi. Les personnes qui n’avaient pas respecté les gestes barrières à l’époque ou acheté, du fait d’une compréhensible pénurie en France, des boules quies de mauvaise qualité, voire de contrebande n’ont aujourd’hui plus d’excuse. Le gouvernement chinois, en outre, continue d’accuser son homologue américain d’avoir minimisé la dangerosité de Bon Jovi au mitan des années 80. Pékin soupçonne en effet Washington, sans en fournir la preuve formelle, d’avoir délibérément créé cette abomination via l’agence gouvernementale Columbia qui, par négligence, aurait laisse fuité un 45T, exposant ainsi les populations du middle west, épicentre de la contagion, dés 1984 . Ce que dément évidemment la Maison Blanche dans un grand éclat de rire. Loin de ces polémiques, Les français continuent d’applaudir les ORL depuis leur balcon.

(1 bis) J’ai vu (subi) Bon Jovi en première partie de Jagger and Co. et en plein air. Ça n’a pas loupé. Le ciel n’a pas supporté . Il a plu pendant tout le concert des Stones.

Chronique affectueusement dédiée à Florian Schneider, Moon Martin, Dave Greenfield, Adam Schlesinger et Little Richard.

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© Didier Limagne 2020

© Photos Montages par Eric Morel pour QFFC 2020

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